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Tracés, n°21/2011

Tracés, n°21/2011

Contagions


Tracés



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La contagion s'impose massivement aux commentateurs de l'actualité pour décrire des phénomènes hétéroclites qui ne relèvent pas de la médecine et de l'épidémiologie : crises des dettes et des banques, expansion des rumeurs et propagation des mouvements sociaux, contamination de la radioactivité et des risques technologiques nucléaires… Elle semble être une technique de discours commode pour rendre compte de phénomènes collectifs et globaux, sur lesquels la maitrise et la capacité de prédiction humaines semblent mises à mal. Et si par ailleurs les épidémies (Ebola, Sida, H5N1, H1N1…) fascinent et terrorisent tant, c'est qu’elles articulent des échelles microscopique (les microbes) et macroscopique (une société fragilisée), entre lesquelles l’homme se situe sinon impuissant, du moins sans repères.
Plus qu’une simple métaphore, la contagion est avant tout une matrice narrative qui questionne la précarité humaine dans sa confrontation au non-humain et à l’inhumain. C’est dans cette perspective que la revue Tracés a constitué ce numéro, en croisant de manière volontariste des sujets comme le cinéma d’horreur épidémique (Hugo Clémot), la propagation de rumeurs globales (Julien Bonhomme), la viralité informatique (l’entretien avec Jussi Parikka ou l’article de Thomas Beauvisage, Jean-Samuel Beuscart, Thomas Couronné, Kevin Mellet), les reconfigurations sociales et anthropologiques induites par les épidémies (avec la traduction de Mary Douglas, l’article de Jean-Baptsite Fressoz sur la vaccine et la variole ou encore l’entretien avec l’immense anthropologue Jared Diamond).
Mais s’il importe d’interroger les manières dont la contagion nous permet de penser la société (Paul-André Rosental sur Gabriel Tarde, Grégory Salle sur la contagion carcérale), il est également crucial d’interroger la contagion dans sa généalogie, à la manière d’Aurélien Robert et d’Arnaud Fossier dans ce numéro : pourquoi parle-t-on de contagion morale ou de contagion des péchés au Moyen Âge ?
Figure labile et plastique de notre imaginaire contemporain, la contagion requérait les explorations croisées de la sociologie, la philosophie, l’anthropologie et l’histoire. C’est au prix de cette transversalité, que la contagion gagne en profondeur problématique et peut se dénaturaliser…