Comment des mémoires traumatiques multiples, ancrées dans différentes guerres et devenues concurrentes, peuvent se retrouver dans un récit commun ? Comment réconcilier la mémoire et l'histoire ? Marc André trouve une réponse dans l'histoire de Montluc, une prison marquée par les violences du xxe siècle et les compétitions mémorielles du xxie siècle.
À rebours des logiques concurrentielles révélées lors de la transformation de la prison en Mémorial en 2010 entre les porte-paroles des détenus sous l’occupation allemande, reconnus, et ceux de la guerre d’Algérie, écartés, le livre explore la manière dont la prison a permis aux expériences passées et présentes d’entrer en résonance, d’une guerre à l’autre. Après 1944, des responsables nazis et des miliciens sont emprisonnés à côté d’anciens résistants hostiles à la colonisation ; un militant communiste est enfermé pour sa critique de la guerre d’Indochine dans la cellule même où il était détenu sous Vichy ; des victimes de Klaus Barbie soutiennent des Algériens raflés, torturés, condamnés à mort et finalement guillotinés ; des cérémonies se tiennent devant les plaques commémoratives de la seconde guerre mondiale et servent à condamner la guerre coloniale. Ces collisions temporelles favorisent le scandale et forgent des solidarités imprévues entre les victimes de différentes répressions.
En nous immergeant dans cet espace où les ombres dialoguent, ce livre nous permet de saisir l’ensemble des événements, des pratiques et tout simplement des vies qui ont convergé et fait de Montluc une prison pour mémoire.