Ce numéro 45 de la revue Tracés souhaite revenir sur le retour contemporain de la question rousseauiste de « l'origine des inégalités » et problématiser la résurgence de ces grands récits qui se multiplient aujourd'hui sur les tables des libraires. On observe en effet aujourd’hui une multiplication de projets qui, à la charnière du champ académique et du champ extra-universitaire, s’essayent à résumer en quelques centaines de pages l’ensemble de l’histoire humaine, parfois depuis la Préhistoire. Les problèmes du présent (exploitation et lutte des classes, racisme, patriarcat, spécisme, organisation écocidaire des sociétés humaines, etc.) sont alors réinscrits dans un temps long qui permet de marquer quelques tournants décisifs de l’histoire humaine : la « révolution » néolithique, avec l’émergence de l’État et de la domestication des plantes et des animaux ; la révolution moderne, elle-même plurielle (révolutions scientifiques, révolutions politiques, révolutions économiques) et scène d’émergence de l’État-nation, du capitalisme, du colonialisme, etc. De nouvelles philosophies de l’histoire voient le jour, qui posent cependant des problèmes épistémologiques nouveaux par rapport aux anciennes philosophies de l’histoire des xviiie et xixe siècles : quelle valeur scientifique accorder à ces nouveaux grands récits, compte tenu des critères actuels de scientificité en sciences humaines et sociales ? quel est l’apport de ces récits pour faire dialoguer ensemble des savoirs et des disciplines ? quelles sont leurs limites ?