Comment la conjugalité patriarcale est-elle devenue un modèle familial en Côte d'Ivoire après l’indépendance ? Comment ce modèle a-t-il conduit à une inclusion différenciée des hommes et des femmes dans la citoyenneté ?
Cet ouvrage illustre d’abord la diversité des acteurs ivoiriens et français qui ont débattu des normes familiales avant leur formalisation dans un Code civil en 1964. Administrateurs coloniaux, députés et syndicalistes ivoiriens, militants chrétiens mais aussi auteurs de sciences sociales soutiennent l’autorité des pères sur des entités nucléaires, au motif notamment que cette forme familiale serait plus favorable au développement économique.
L’originalité de cet ouvrage est ensuite d’examiner l’application des législations familiales dans les administrations. La promotion de l’amour romantique et de nouveaux rapports de genre, une masculinité pourvoyeuse et une féminité domestique, influence les carrières ouvertes aux hommes et femmes, les avantages dont ils et elles pouvaient se prévaloir auprès des services sociaux, mais encore les modalités de leur intégration à l’État. Louise Barré montre comment le processus de redistribution étatique envers les hommes salariés et chefs de ménage, tout en entraînant une distinction durable entre les citoyens et citoyennes, fit aussi des couples des arènes de conflits.