Aucune étude d'ensemble n'ayant encore été consacrée au lexique latin du vote en général, et de l'élection en particulier, ce dossier propose d'aborder l’analyse de ces réalités politiques anciennes par l’angle d’attaque lexicologique, souvent discrédité dans les travaux historiques. Si les Romains disposaient d’un riche vocabulaire pour qualifier les pratiques de désignation à des charges publiques, la dimension proprement technique de celui-ci n’est pas évidente, et il convient d’étudier les contextes historiques, politiques et littéraires d’emploi des principaux termes latins de l’élection (creare, facere, suffragium, etc.). Lexique vivace et mouvant, même pendant la seule période antique – entre latin et grec, époque républicaine et époque impériale –, les mots anciens du vote ont connu une fortune considérable au Moyen Âge, à la Renaissance et à l’Âge classique, à mesure qu’ils étaient lus, interprétés et parfois traduits par les commentateurs des textes classiques et les acteurs politiques de ces périodes. Il importait donc de proposer des analyses contextualisées des cadres divers dans lesquels ce vocabulaire pouvait être réemployé, voire remotivé. Avoir recours aux mots latins du vote n’est pas la même chose dans l’Italie communale des xiiie-xive siècles, lors des débats sur la notion de souveraineté au xvie siècle ou de ceux sur la citoyenneté au xviiie siècle. Traduire ces termes implique des choix idéologiques, latents ou affirmés, qu’il s’agisse de Pierre Bersuire (vers 1350), premier traducteur de l’œuvre de Tite-Live et de la lexie suffragium en français, ou des antiquisants de l’époque contemporaine.