Veut-on vraiment que les habitants des quartiers populaires participent ? Deux analyses s'affrontent, en théorie comme en pratique, sur la participation des habitants aux politiques de la ville. La première pointe les dérives de « l'injonction participative », cette demande unilatérale et méprisante faite aux pauvres de se comporter en citoyens, sans leur donner la possibilité de débattre sur le fonctionnement des institutions. La seconde voit au contraire dans la participation un levier pour leur émancipation sociale et politique, et l'amélioration de l’action publique. Le croisement de plusieurs perspectives d’analyse et terrains d’enquête permet de dépasser cette vision binaire et de rendre compte de la manière dont les problèmes sociaux, économiques et urbains sont débattus dans l’espace public. L’ethnographie de la participation aide à mieux comprendre la manière dont les habitants prennent part, ou non, à la définition et à l’évaluation des politiques publiques qui les concernent. Cet ouvrage montre que l’apathie des habitants des quartiers d’habitat social n’est qu’apparente, ou plutôt qu’elle se développe dans des contextes d’interaction particuliers. Sous certaines conditions, au contraire, de nouvelles formes de contre-pouvoir, engendrées par l’activité délibérative des « artisans de la participation », émergent dans les milieux populaires.
Marion Carrel est Maîtresse de conférences en sociologie à l’Université Lille 3 / Centre de Recherche "Individus, Epreuves, Sociétés" (CeRIES, Lille 3). Pour l'année 2015-2016, elle est en délégation au CNRS à l’Institut Marcel Mauss (CEMS-IMM, CNRS-EHESS).