Il peut sembler paradoxal de trouver, dans bon nombre de discours publics contemporains invoquant des valeurs républicaines et universalistes, des stéréotypes stigmatisant ou valorisant des groupes de personnes en raison de leur apparence et/ou de leur culture, religion, ou mode de vie supposés, que le mot race soit employé ou non. Ce constat rejoint le « dilemme français » évoqué par plusieurs chercheurs pour souligner la contradiction entre la banalisation du référentiel racial dans l'espace public français et le modèle républicain classique aveugle à la situation minoritaire de groupes sociaux racisés. L’usage de catégories « raciales » (qu’il s’agisse de l’emploi du mot race ou de l’activation du concept) fait également débat lorsqu’il est attesté dans des discours visant explicitement à combattre le racisme à des fins de lutte contre les discriminations (discours institutionnels ou militants) et/ou de revendication identitaire (discours de l’antiracisme dit politique). On touche là le « paradoxe racial » déjà signalé, qui consiste à reconnaître l’inexistence – avérée – de races humaines, tout en utilisant des catégories « raciales » pour décrire un processus social de racialisation aux effets également avérés. Les contributions du dossier analysent à la fois comment se dit ou ne se dit pas la « race » dans certains discours politiques et médiatiques. Ce faisant, elles posent à nouveaux frais la question de savoir pourquoi dire ou ne pas dire la « race » en France aujourd'hui, et au-delà incitent à se demander si un discours antiraciste – scientifique ou militant – le doit ou le devrait.