Porter un discours sur un objet ou sur quelqu'un, c’est, dit Bourdieu, s’approprier le « pouvoir constituant du langage ». La remise en question du siège de la parole est alors une remise en question des relations de pouvoir établies et l’ouverture d’une lutte pour l’imposition de catégories d’analyse légitimes. Lorsque des adultes parlent de la classe, ils imposent une façon de la concevoir, de l’interpréter. Mais que se passe-t-il quand les enfants prennent la parole sur la classe ? Comment en perçoivent-ils les différents acteurs et situations, et avec quelles conséquences ? Quelles nouvelles perspectives émergent de leurs discours ? Telles sont les questions que ce dossier tentera d’aborder. Les trois articles qui le constituent rendent compte de recherches récentes relevant d’approches variées qui recueillent la parole des enfants sur la classe via des méthodes originales destinées à en préserver l’intégrité, qui tiennent compte de la question des apprentissages, décisive pour éclairer les inégalités scolaires, sans pour autant éluder des aspects plus larges de la socialisation dans la classe pouvant leur être liés. Les analyses considèrent les contraintes de socialisation qui pèsent sur les enfants tout en cherchant comment les sujets parviennent à jouer de ces contraintes pour construire des discours singuliers, et témoignent de façons d’aborder l’objet propres à différents âges de l’enfance.