Les lois Ferry de 1882 qui substituent, dans les programmes de l'école primaire, l’instruction morale et civique à l’instruction morale et religieuse, témoignent d’une volonté de façonner en profondeur le
citoyen républicain. Le problème du fondement de la morale laïque demeure en cela indissociable de la question de son enseignement : parce que le sujet éthique formé à l’école de la République se doit
d’être un esprit libre, la morale qui lui est appropriée ne saurait demeurer soumise à aucune tutelle extérieure, et en premier lieu à la tutelle religieuse. Cet affranchissement a cependant pour
contrepartie d’ouvrir une béance dans l’édifice de la morale,
en posant avec acuité la question de ses fondations : coupée de la
justification théologique et du support de la religion, la morale
laïque peut-elle encore se soutenir ?
Cette morale a-religieuse, ou seulement a-confessionnelle, destinée
à être enseignée dans les écoles, ne surgit cependant pas ex-nihilo
avec les lois scolaires de 1880, pas plus qu’elle ne prend la forme d’un discours unifié ; elle s’alimente en effet largement aux sources de la tradition philosophique et théologique où elle puise un matériau composite et parfois contradictoire. De la Réforme au positivisme, en passant par les Lumières et le spiritualisme, les contributions ici
réunies se sont efforcées d’apporter un éclairage sur la multiplicité des héritages et influences philosophiques qui participent de la genèse
de la morale laïque.