Sous couleur de jouer : la formule est de Claude Lévi-Strauss. Elle donne à croire que la conduite ludique dissimule sa véritable essence. Que fait celui dont on dit qu'il joue ?
Au départ de ce livre, il y a le refus de prendre le jeu pour quelque chose qui va de soi, pour une manière d'être et de faire immédiatement abordable et déchiffrable : l'intention de le considérer plutôt comme une attitude mentale, une aventure intérieure presque impossible à saisir, que l'on ne parvient à identifier, à désigner, à décrire qu'au moyen de mots. Nul ne se comprend, ne se fait comprendre qu'en passant par des façons de dire (et de penser) tirées de l’expérience commune.
La Psyché de Pierre Corneille, dans son trouble, découvre cette évidence :
Et je dirais que je vous aime,
Seigneur, si je savais ce que c’est que d’aimer.
Ainsi, le joueur ne peut dire qu’il joue, ne peut dire s’il joue – et d’abord ne peut jouer qu’à la condition de savoir ce que c’est que le jeu.
Rencontrée en cet étrange détour, l’idée de Jeu relève plus d’une approche anthropologique que d’une élucidation d’ordre psychologique. Quand on s’attache à traiter de l’indicible, ne convient-il pas, au moins pour commencer, de prêter attention à ce qui s’en dit ?
Publié initialement par José Corti en 1989, épuisé depuis plusieurs années, il était urgent de rééditer cet ouvrage fondamental de Jacques Henriot, permettant tout autant de penser le jeu que de critiquer des pensées trop rapides pour analyser ce qui fait jeu et, peut-être plus, le jouer.