Pour les institutions comme pour les « experts », faire autorité, c'est produire un discours marqué du sceau de la crédibilité ou même de la véracité, lesté du poids de la compétence ou de la connaissance, émis pour rencontrer « spontanément » la reconnaissance et recueillir « naturellement » l'assentiment. Contre Pierre Bourdieu (Ce que parler veut dire, 1982), qui affirmait que « l’autorité vient au langage du dehors », ce dossier de Mots. Les langages du politique invite à explorer la dimension langagière qui alimente cet effet d’évidence. Nous faisons ici l’hypothèse que dans toute institution – au sens large de « groupement social légitimé » (Mary Douglas, Comment pensent les institutions, 1999) – coexistent des discours qui entretiennent des rapports différents à l’altérité et à la conflictualité : échanges réputés symétriques obéissant à un « modèle conversationnel », échanges ouvertement conflictuels des débats, polémiques et controverses, mais aussi discours apparemment consensuels et homogènes, qui tendent à imposer des normes de pensée et d’action, naturalisées au nom d’une tradition, d’une expertise, de garants incontestables… C’est ce dernier type d’organisation discursive qui sera interrogé dans ce dossier, tant dans les institutions publiques que dans les sphères médiatiques ou religieuses