Rousseau a toujours eu peur que ses œuvres ne soient trafiquées, si bien que le Rousseau qui parviendrait aux générations futures serait un autre que lui. Pendant longtemps il était le plus souvent prôné en contraste avec Voltaire, sauf quand ils étaient considérés ensemble comme les représentants les plus glorieux ou les plus répréhensibles du siècle des Lumières. On suit d'abord ici, à travers sa correspondance et celle de ses imprimeurs et intermédiaires, sa lutte pour laisser ses œuvres en mains sûres, et par la suite le long lignage d'éditions collectives dans leurs incarnations nombreuses et controversées au cours de plus de deux siècles. Chaque édition impliquée une mise financière, certes, mais aussi une gageure artistique, idéologique, pédagogique voire politique. Cette comparaison diachronique permet de réunir des données dispersées dans quantité de bibliothèques et souvent inadéquatement cataloguées, et ainsi une nouvelle appréciation de la grande variété de formats, de présentations, de censures et de contenus. Enfin le XXe siècle voit paraître des éditions plus scientifiques, permettant une pléthore d’études dont le bilan sera incarné dans les deux éditions simultanées qui se débitent pour le tricentenaire de l’auteur en 2012.