Ce numéro de Tracés revisite la question classique de la vie sociale des mots, et cherche à comprendre comment l'apparition d’un terme et ses différents sens potentiels sont socialement produits et reproduits. Il porte tout particulièrement le regard sur les controverses autour du sens des mots et sur ce qu’elles révèlent de nos sociétés et du fonctionnement du langage. Si de tels moments métadiscursifs, prenant le discours comme objet de débat, font partie intégrante de l’usage social du langage, certaines pratiques de nomination génèrent davantage de conflictualité que d’autres, laissant apparaître une circulation accrue d’attaques et de contre-attaques portant sur les manières de dire. Ces tensions entre stabilité et instabilité sémantique soulèvent quatre types de questionnements. Comment approcher la temporalité et le rythme des transformations sémantiques et des débats qui les accompagnent ? Qui peut agir sur le sens des mots, et en recourant à quels dispositifs ? Dans quels contextes et à quelles échelles surgissent ces conflictualités sémantiques ? Que faire enfin de l’historicité des mots, cette mémoire discursive parfois utile et parfois encombrante pour les acteurs sociaux ? En tentant de répondre à ces questions, ce volume adopte une conception du discours et de la nomination en tant que pratiques prises dans une tension entre institution et négociation en contexte, et les envisage comme des lieux de rencontre entre forces stabilisatrices et forces déstabilisatrices du sens.