Élément non discursif de langage, d'expression et de communication, le geste peut être défini comme un « mouvement du corps […] visant à exprimer quelque chose » (Le Petit Robert). Le geste politique visé dans ce dossier n’est pas celui des études sur la « gestuelle » des personnalités politiques ni celui, coverbal, qui accompagne le discours ou encore celui qui se substitue au message verbal dans une interaction, dit « emblématique » ou « quasi-linguistique » parce qu’il est compréhensible sans la parole.
Ce sont plutôt les gestes « militants » eux-mêmes, leurs usages, leurs variations, leurs interprétations et les commentaires qu’ils suscitent, qui font l’objet de ce dossier, et non les actes individuels, éphémères, isolés, de tel acteur politique, quand bien même ces derniers ont pu devenir « symboliques ».
La gestualité qui retient ici notre attention s’apparente davantage à ce que les auteurs de l’ouvrage Des gestes en histoire. Formes et significations des gestualités médicale, guerrière et politique (Ambroise-Rendu, D’Almeida et Edelman, 2006, p. 11) appellent des « gestiques » : « ces gestes considérés comme moyens délibérés et organisés d’expression, sorte de langage possédant sa grammaire propre ». Conscients, intentionnels, conventionnels, démonstratifs, appris, revendiqués, repris, ritualisés, effectués individuellement ou collectivement, dans une mise en scène ou une forme de théâtralité, ces gestes et postures permettent une expression politique, marquent une identité ou affirment une appartenance à un groupe ou à une communauté. Servant d’emblème, ils constituent des signes visibles, ostentatoires de ralliement, d’engagement ou de reconnaissance, disent une cause, expriment une allégeance, appellent à la mobilisation ou servent à résister ou à protester.