Pour Hans Kelsen, la question des conditions de validité d'une norme juridique d’une part, celle des valeurs qui sont censées inspirer et contrôler le droit positif d’autre part, sont deux questions bien distinctes. C’est la première de ces deux questions, objet de ce qu’il nomme la « théorie pure du droit », qui est au cœur de ces études centrées sur le statut des fictions juridiques – et d’abord sur la nature des fictions en général.
Cette réflexion se développe ici à travers un débat vivant avec le théoricien des fictions Hans Vaihinger, auteur de la fameuse Philosophie du comme si (1911). Deux questions sont particulièrement stimulantes pour tous ceux qui s’intéressent, de près ou de loin, au droit et à la philosophie du droit : 1) Comment le droit positif comme système de normes existantes peut-il trouver sa justification ultime dans une norme fondamentale fictionnelle, dans une « fiction au sens vaihingerien du terme » ? Autrement dit, comment ce qui est positif, factuel, par exemple telle loi ou telle décision de justice, peut-il trouver son fondement ultime dans quelque chose d’imaginaire, qui ne dénote rien dans la réalité ? 2) Quelle est aujourd’hui la pertinence du modèle kelsénien de validation des normes ? Comment peut-il trouver à s’appliquer de manière cohérente dans le contexte du droit européen ?