La première modernité pose de multiples manières la question de la diversité du langage non verbal : naturel, non contrôlé, ou construit et codifié. Selon quels paramètres, avec quels objectifs s'interroge-t-on sur ce mode de déchiffrement du monde qui, à travers des signes non verbaux directs, ou indirects, est perçu comme un moyen de communication universel, ou est patiemment appris dans la perspective d'une maîtrise technique (du dessinateur au chirurgien, du courtisan au comédien, du prédicateur au juriste ou diplomate) ? Dans le vaste remaniement des codes, suscité par des savoirs naissants (archéologie, philologie) et par les bouleversements politico-religieux, les interactions entre le mot et l'image introduisent des formes inédites de perception de ce qui est vu et de ce qui est dit ou écrit, selon des articulations nouvelles. La fixité de l'écrit et du dessin, plus affirmée et étendue à un plus vaste public (grâce à l'imprimerie et à la gravure), et la labilité inhérente à la gestualité, parfois fugitive, souvent temporaire, donnent le jour à des frottements des paroles contre les gestes, à un jeu des apparences et des signes, de la surface et de la profondeur, avec de nouveaux statuts de l’image (la dévotion se conjuguant avec l’illustration) et des agencements multiples de mots, de gestes et de voix dans l’inventivité du théâtre profane, ou dans les pratiques diplomatiques et juridiques, nourris par la diversité foisonnante et tâtonnante des mots pour dire les nuances de la gestualité.