Du paquet de cartes à la console de jeux vidéo, en passant par la poupée, l'activité ludique s’appuie très souvent sur des supports matériels. Pourtant, le jeu a été généralement étudié au regard des règles, de l’imaginaire ou de la narration ludiques. Aujourd’hui les dimensions sensibles du jeu bénéficient d’un nouvel intérêt, auquel ce numéro de Tracés entend contribuer.
Le numéro accueille des approches et disciplines diverses autour du rôle de la matérialité, explorant la complexité de la notion ainsi que les limites de sa vertu heuristique. Les aspects matériels, qui relèvent de différents régimes – souvent coexistants – servent d’ancrage aux valeurs et aux symboliques des jeux. Comme la matérialité entre dans un rapport d’interaction et de complémentarité avec les systèmes de règle formalisés, des analyses classiques du jeu peuvent être revisitées de manière féconde. Les textes montrent aussi que les éléments sensibles jouent un rôle décisif dans l’engagement des joueurs et contribuent à délimiter les contours des expériences ludiques, autant qu’à créer et à maintenir une forme de contrat social partagé par les joueurs.
Ce numéro souligne l’intérêt de se pencher sur des aspects de l’activité qui peuvent ne pas paraitre essentiels au fonctionnement du jeu lui-même, mais qui peuvent indéniablement l’orienter ou en modifier des enjeux sous-jacents. La prise en compte de la matérialité invite plus globalement à repenser les frontières du jeu, qu’elles soient temporelles, spatiales ou socialement situées, et à mettre en exergue des aspects habituellement passés inaperçus.