En ce moment où le changement global prend une consistance à la fois réelle et menaçante, un écho se crée entre le devenir de la Terre et le revenir de la terre. Attention aux majuscules ! Nous n'allons pas parler ici de la Terre avec une majuscule, de la planète toute singulière, la grosse bille bleue, mais de la terre en minuscule, l'humble matière rouge ou marron que l’on travaille, l’étendue que l’on partage ou que l’on conquiert, le sol qu’on arpente, le lieu d’où l’on vient, que l’on quitte, qui nous rappelle. La terre revient : on la pensait remisée dans les limbes d’un passé révolu, la richesse de ses significations élaguée par la modernité. Nous pensions que nous nous étions définitivement détachés des liens que la glèbe avait créés. Sous nos yeux, les voilà qui reprennent vigueur dans nos sciences, dans nos imaginaires, dans nos itinéraires de vie, dans nos futurs politiques. La terre revient : qu’a-t-elle à nous dire de nous-mêmes ? Qu’est-ce que ce revenir permet de penser ? Et comment revenir à la terre ?
Ce numéro de Tracés interroge la terre comme objet de pensée, comme enjeu de pouvoir et comme lieu d’exercice d’une multiplicité de puissances d’agir et de devenirs politiques. En assemblant dix contributions (traduction, note, dialogue et articles) de toutes les sciences humaines et sociales (géographie, histoire, philosophie, anthropologie), il cherche à éclairer différentes facettes du revenir de la terre – et ce faisant, à remettre la terre au cœur des interrogations du contemporain.