Ces dernières années se multiplient les colloques, séminaires et formations autour des « données de la recherche » tandis que se développent de nouvelles infrastructures et de nouveaux moyens consacrés à leur mise à disposition. Adossé aux politiques de la « science ouverte » et aux exigences de « réplicabilité » de la science, ce mouvement de l'open data enjoint les chercheurs et les chercheuses à archiver les données issues de leurs enquêtes pour les rendre accessibles au public. En parallèle, la protection des données personnelles fait l'objet de nouvelles régulations législatives et administratives, qui alourdissent les contraintes bureaucratiques pesant sur l’enquête de terrain, en particulier pour les sujets dits sensibles. Enfin, des défis déontologiques et techniques inédits se posent aux chercheurs et chercheuses qui souhaitent sécuriser leurs données et protéger l’anonymat de leurs enquêté-e-s dans un contexte de surveillance numérique. Ces évolutions placent les données de la recherche au cœur d’enjeux majeurs. Les injonctions parfois contradictoires (protéger les données, les rendre accessibles) que les chercheurs et chercheuses rencontrent suscitent débats et controverses. Face aux nombreuses questions et inquiétudes qu’occasionne ce moment « données », le présent numéro propose de marquer un temps d’arrêt pour porter un regard réflexif sur les pratiques et les métiers de la recherche au sens large : qu’est-ce, au fond, qu’une donnée ? Quelle est sa place dans le travail des sciences humaines et sociales ? Qu’est-il attendu que nous (chercheurs et chercheuses, personnels d’appui et de soutien à la recherche) fassions de ces fameuses données ? Et que nous dit ce moment « données » sur l’évolution de l’économie générale de la science ? Les articles de ce numéro apportent leur pierre à une réflexion qui se doit d’être collective.