Alors que la confiance est de longue date un objet d'investigation légitime des sciences humaines et sociales, et que son invocation comme remède aux maux de la vie politique, économique ou psychique, est omniprésente dans la sphère publique, son antonyme, la méfiance, est relativement rarement analysé pour lui-même. Bien souvent, la méfiance est simplement considérée comme une absence ou un défaut de confiance, comme un manque à combler et elle n'est que très rarement appréhendée en propre. C'est donc une notion doublement négative, à la fois au sens où elle est définie en creux, et au sens où elle est pensée comme une force destructrice.
Le présent numéro souhaite au contraire la construire comme un objet propre d'investigation. Oscillant entre prudence, vigilance, doute, soupçon et peur, elle structure une multitude de situations et d’interactions sociales, mais semble régulièrement insaisissable, tant ses frontières sont mouvantes. Les contributions rassemblées ici s’efforcent précisément d’en cerner les contours, sans la figer dans une définition préétablie, en faisant varier les contextes, les situations géographiques, les époques, les milieux, mais également les méthodes et les types de regards (historique, anthropologique, sociologique, psychanalytique…), mais toutes ont en commun la volonté de faire émerger la méfiance comme une dimension structurante, parfois nécessaire, des relations humaines et sociales.